BOUTEFLIKA PLIE MAIS NE ROMPT PAS

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Algérie : Le président a fait savoir lundi qu’il renonçait à un 5e mandat mais resterait jusqu’à la présidentielle… reportée sine die.

Youyous, klaxons et défilés de voitures. Lundi soir, l’euphorie a gagné les rues d’Alger. À deux jours de l’expiration du délai donné au Conseil constitutionnel pour valider les candidatures à la présidentielle du 18 avril et vingt-quatre heures après son retour de Genève où il était hospitalisé, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé, dans un message qui lui a été attribué, qu’il ne briguerait pas un cinquième mandat, que l’élection du 18 avril était reportée et qu’un vaste remaniement du gouvernement était en cours.

«L’Algérie traverse une étape sensible de son histoire. Ce 8 mars, pour le troisième vendredi consécutif, d’importantes marches populaires ont eu lieu à travers le pays, est-il écrit. Je comprends tout particulièrement le message porté par les jeunes en termes, à la fois, d’angoisse et d’ambition pour leur avenir propre et pour celui du pays.»

Grève générale

Depuis le 22 février, et durant trois vendredis successifs, des manifestations imposantes avaient exigé du chef de l’État qu’il abandonne l’option du cinquième mandat. Depuis une semaine, les actes de «désobéissance civile» se sont multipliés: une grève générale a été décrétée sur les réseaux sociaux et touché plusieurs secteurs névralgiques comme les hydrocarbures ou les transports. Des juges ont annoncé dans un communiqué signé par mille magistrats qu’ils refuseraient d’encadrer les élections du 18 avril. Les étudiants et les enseignants ont occupé les universités malgré la décision du ministre de l’Enseignement supérieur d’avancer la date des vacances pour les vider de toute contestation. Même le puissant chef de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, fidèle parmi les fidèles de Bouteflika, a surpris l’opinion en insistant sur le fait que «l’armée et le peuple partagent la même vision de l’avenir».

Depuis plusieurs jours, l’option du report ne faisait plus de doute. Des sources proches de la direction de campagne du président sortant y avaient fait allusion et un professeur de droit de l’université d’Alger, invité de la radio publique (où seules les voix alignées sur la politique du président sont autorisées) avait déclaré dimanche qu’il était «du devoir de ceux qui ont la décision d’envisager ce report pour répondre à la demande sociale» alors même que… la Constitution ne prévoit aucune disposition sur le report des élections.

Pour l’instant, rien ne fixe les modalités de ce report qui appellerait, en théorie, soit un changement de Constitution, soit l’application de l’article 107 permettant au chef de l’État de décréter l’état d’exception en cas de menace sur le pays.

S’il n’entame pas un cinquième mandat, Bouteflika va poursuivre le quatrième…

Une source sécuritaire

Mais l’habillage se veut séduisant: dans le remaniement annoncé, le premier ministre Ahmed Ouyahia, très impopulaire, a été sacrifié: il est remplacé par Noureddine Bedoui, jusque-là ministre de l’Intérieur, technocrate apprécié par les tenants du «deep state». Il sera secondé par le diplomate Ramtane Lamamra, nommé à un poste de vice-premier ministre également créé ce lundi, qui retrouve par ailleurs des fonctions qu’il avait déjà exercées, celle de chef de la diplomatie.

Jusqu’à la fin de 2019

Mais concrètement, Abdelaziz Bouteflika restera au pouvoir au moins jusqu’à la fin de 2019. «Je m’engage enfin, si Dieu m’accorde vie et assistance, à remettre les charges et les prérogatives de président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu», est-il précisé dans le message. À cette échéance, une conférence nationale censée «représenter tous les courants de la société» doit fixer une date pour la prochaine présidentielle et soumette un projet de Constitution qui sera soumis à un référendum populaire.

«Il ne faut pas arrêter la mobilisation de la rue. Il n’est pas question que la présidence actuelle se prolonge jusqu’à la fin de 2019. Aucune confiance!» a posté sur Facebook Soufiane Djilali, coordinateur du mouvement d’opposition Mouwatana. «Dans les faits, il n’y a pas de différence avec la première proposition du président, le 3 mars, qui était de se représenter et d’organiser une élection présidentielle», relève une source sécuritaire de l’ex-DRA (services secrets). «Le cercle présidentiel reste en place et Bouteflika, s’il n’entame pas un cinquième mandat, va poursuivre le quatrième…»