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Le Sénégal est à la croisée des chemins.
D’un côté, la tentation de l’escalade, des règlements de comptes, des discours incendiaires qui dressent les institutions les unes contre les autres. De l’autre, la voie exigeante mais salutaire de la République, celle du respect mutuel, de l’équilibre des pouvoirs et de la construction collective.
Aujourd’hui, une ligne rouge est en train d’être franchie : celle de l’affrontement direct entre la Primature et la Magistrature, entre l’exécutif et l’institution judiciaire. C’est un précédent grave, inédit, et potentiellement explosif.
Je prends la parole, sans haine ni calcul, pour dire au Premier ministre Ousmane Sonko : vous avez été victime de décisions injustes, comme tant d’autres dans l’histoire politique de ce pays. Mais vous êtes aujourd’hui au sommet. Le pouvoir ne se venge pas, il élève.
L’Histoire vous regarde.
Le peuple vous regarde.
Et la République, elle, n’a pas besoin de gladiateurs, mais de bâtisseurs.
Le Premier ministre Ousmane Sonko doit se rappeler qu’à chaque alternance dans notre pays, la justice a été placée au centre de toutes les contestations. Ce sont les décisions judiciaires – favorables ou non – qui ont souvent balisé les transitions politiques.
La magistrature a longtemps été le déversoir des frustrations de l’opposition, des citoyens, et même de certaines organisations des droits humains. Pourtant, elle reste investie d’une mission ingrate et délicate : celle de juger à la place de Dieu, des faits auxquels elle n’a pas assisté, sur la base de rapports, procès-verbaux, plaidoiries ou témoignages souvent empreints de manipulations.
Juges et magistrats reçoivent sur leur bureau des versions antagonistes d’un même fait, chacune cherchant à emporter la conviction. C’est là toute la difficulté d’une mission républicaine : arbitrer en dehors des passions, dans un monde où la vérité est morcelée et instrumentalisée.
Et pourtant, ce sont ces mêmes magistrats qui ont accompagné toutes les alternances : en incarcérant, en libérant, en validant les résultats électoraux qui ont permis à l’opposition d’accéder au pouvoir et de prêter serment.
Ils ont dit le droit sous tous les régimes, quels que soient les dirigeants ou les clameurs. Ils ont été critiqués sous Abdou Diouf, défiés sous Wade, contestés sous Macky Sall, et aujourd’hui cloués au pilori par le régime issu de l’opposition d’hier.
Dans nos prisons, il y a certes des innocents. Il y a aussi des détenus en attente, et des jugements qui ne viennent pas. Mais c’est aussi cela, la justice : accepter ses décisions, favorables ou non, en sachant qu’elle n’est ni parfaite, ni omnisciente, mais nécessaire.
Je le dis ici avec gravité : le Président Abdoulaye Wade, que j’ai servi, a subi durant 26 ans des persécutions judiciaires inouïes, des emprisonnements répétés, des couvre-feux et des états d’urgence. Pourtant, il a continué son combat dans la République. Il disait : « Je peux pardonner, mais je n’oublie pas. »
Monsieur le Premier ministre, vous êtes aujourd’hui membre du Conseil supérieur de la magistrature. Vous avez prêté serment devant ces mêmes magistrats. Vous siégez aux côtés d’hommes et de femmes qui ont, eux aussi, prêté serment pour servir le droit, pas les partis.
De ce fait, je vous invite, avec respect mais fermeté, à pardonner ce que vous estimez avoir été des injustices ou des violences subies. Car un affrontement frontal entre la Primature et la Magistrature serait sans précédent dans notre histoire démocratique – et extrêmement dangereux.
Vous êtes aujourd’hui devant l’Histoire. Et l’Histoire jugera.
Vous avez le choix de consolider les acquis républicains ou d’abîmer ce que nous avons construit au prix de lourds sacrifices. Si vous poursuivez le chemin de la revanche contre les juges, tout peut arriver dans ce pays.
Je parle ici, car le silence de certains, et l’activisme nocif des laudateurs qui vous entourent, sont des dangers plus grands que l’opposition elle-même.
Beaucoup ne sont autour de vous qu’en raison de la fonction, non par conviction ni par amour du pays. Ils applaudissent vos colères, attisent les tensions, vous enferment dans une logique de revanche, tout en se tenant à distance des conséquences.
Ceux-là ne vous aiment pas.
Ils n’aiment pas le Sénégal.
Ils ne s’aiment qu’eux-mêmes.
Monsieur le Premier ministre, le binôme que vous formez avec le Président Diomaye est scruté par l’histoire. Vous ne devez pas décevoir.
Concentrez votre énergie sur les vrais défis :
. Le chômage,
. L’eau,
. La santé,
. L’éducation,
. La souveraineté.
C’est là que le peuple vous attend.
C’est là que vous serez jugé.
La solution, c’est vous.
Le problème ce peut être vous si vous refusez d’être le Premier ministre de tous les Sénégalais.
Faites le choix de l’apaisement. Mettez fin à l’escalade.
Faites revenir le débat de programmes, pas les guerres d’invectives.
Envoyez vos ministres, vos cadres, vos militants sur les plateaux pour convaincre, pas pour menacer.
Faites confiance à la presse sérieuse pour équilibrer les échanges.
Faites confiance au peuple pour juger sur pièces.
Et vous verrez : le climat s’apaisera, le respect reviendra, la République respirera.
Moi, Thierno Lo, j’assume et je m’engage.
Je dis ce que je pense être juste, et ce qui va dans l’intérêt général, même si cela dérange.
Ministre Thierno Lo
Président de l’Alliance pour la Paix et le Développement (APD)

