PLAN DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE : UN IMPÉRATIF URGENT, MAIS UNE STRATÉGIE À REPENSER EN PROFONDEUR

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Dans un contexte économique souvent marqué par la morosité persistante et la stagnation, conséquence d’une gestion inefficace et de politiques antérieures peu adaptées, la nécessité d’un plan de redressement national s’impose comme une urgence absolue. Nous saluons et encourageons le Premier Ministre Ousmane SONKO pour cette initiative, qui propose un contrat de performance en trois phases destiné à mobiliser l’ensemble des citoyens. Cependant, pour que cette démarche porte ses fruits, elle doit s’inscrire dans une vision de développement durable, centrée sur la création de richesses endogènes et la consolidation de notre autonomie économique. Certaines orientations actuelles méritent d’être interrogées, voire remises en question.

La souveraineté bancaire : une ambition maladroite et contre-productive

L’un des points souvent mis en avant dans les discours de relance est la quête d’une souveraineté, avec la promotion d’un secteur bancaire national en lieu et place de la coopération sous-régionale. Si cette ambition peut paraître séduisante, elle ne doit pas occulter la réalité de notre appartenance à l’UEMOA et l’importance de la stabilité régionale. La stabilité du secteur bancaire régional, sous l’égide de la BCEAO, constitue un socle essentiel pour assurer la stabilité financière de nos économies. Tenter de s’émanciper unilatéralement de cette coopération pourrait fragiliser notre secteur bancaire, réduire notre accès à des financements internationaux, et isoler notre économie.

Il est donc crucial d’adopter une approche équilibrée : renforcer la coopération régionale, améliorer la régulation locale, tout en conservant une autonomie réglementaire et stratégique. La stabilité et la résilience du secteur bancaire régional doivent demeurer une priorité, car elles garantissent la sécurité financière nécessaire pour soutenir nos efforts de relance. La véritable souveraineté ne consiste pas à se couper des partenaires, mais à bâtir une capacité nationale forte tout en tirant parti de la stabilité régionale.

Une approche centrée sur l’appui aux ménages : une stratégie limitée et insuffisante

Sur le volet social, l’idée de soutenir massivement les ménages pauvres dans le cadre du plan de redressement peut paraître louable, mais elle risque d’être contre-productive si elle ne s’accompagne pas d’une stratégie de rupture du cycle de pauvreté. En réalité, renforcer uniquement le pouvoir d’achat des populations vulnérables sans s’attaquer aux causes profondes — telles que l’insuffisance d’investissements dans les secteurs productifs, la faiblesse de la diversification économique, ou le manque d’opportunités économiques — ne pourra pas produire un changement durable.

Le véritable enjeu réside dans la création d’un cercle vertueux : stimuler la croissance endogène, encourager l’entrepreneuriat local, renforcer nos secteurs stratégiques, et développer des filières à forte valeur ajoutée. C’est en favorisant l’émergence d’emplois durables, en améliorant la compétitivité de nos industries et en mobilisant nos ressources internes que notre pays pourra sortir de la pauvreté structurelle. Le soutien aux ménages doit être considéré comme un filet de sécurité, non comme la seule stratégie de relance.

La mobilisation des ressources : vers une stratégie autonome, diversifiée et durable

Pour un redressement efficace, le PM l’a souligné, il ne suffit pas de compter sur l’aide extérieure ou l’endettement, souvent coûteux et contraignants. Son objectif est de mobiliser au moins 90 % des ressources nécessaires à partir de notre propre tissu économique. Cela suppose une réforme en profondeur de la gestion publique, une optimisation des dépenses, mais surtout, une mobilisation efficace de nos ressources domestiques : taxes, contributions, investissements privés, valorisation de nos ressources naturelles, et réforme fiscale.

Par ailleurs, il est impératif d’explorer et de développer des sources de financement endogènes, telles que le développement du secteur privé, la création de marchés financiers régionaux, ou encore la mise en place de fonds d’investissement dédiés à l’économie réelle. La diversification des sources de financement hors dettes doit devenir une stratégie prioritaire, afin de garantir notre autonomie financière et éviter la dépendance excessive aux emprunts.

Vers une stratégie globale, cohérente et axée sur la création de richesses

En définitive, un plan de redressement crédible doit s’appuyer sur une vision claire : privilégier la création de richesses par le développement de nos secteurs endogènes, renforcer notre autonomie économique, et éviter de s’enliser dans des politiques sociales à court terme qui risquent de perpétuer le cycle de pauvreté. La stabilité financière, la coopération régionale renforcée, et la mobilisation de nos ressources domestiques doivent constituer les piliers d’une stratégie cohérente, ambitieuse, mais surtout adaptée à notre contexte spécifique.

Ce n’est qu’en adoptant cette démarche intégrée, orientée vers la production, l’innovation et la diversification économique, que nous pourrons réellement transformer notre économie, relancer la croissance, renforcer notre résilience, et offrir à nos populations un avenir plus prospère.

Dr Alpha Ousmane Aw
Président, Teranga Sénégal : Le Chemin vers la Prospérité