PAIX ET STABILITÉ AU SÉNÉGAL Doit-on ramener toute la classe politique autour d’une table ou libérer la parole? (Par Aly Saleh)

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Ce n’est pas aujourd’hui que les rivalités entre hommes politiques ont commencé au Sénégal. Aussi bien dans les familles, que sur les plate-formes d’échange des réseaux sociaux, on retouve des formes de clivages d’une forte intensité qui, pour la plupart, finissent dans la place publique. Et de nos jours, les leviers sociaux qui, jadis, jouaient leur rôle de sentinelle et de régulateur, sont devenus presque inefficaces ou inexistants. Au point que certains vont jusqu’à se demander, est-ce que nous ne serions pas entrain de revivre « Senghor/Mamadou Dia »?

En tout cas, la ressemblance est bien là.
Et puis, je le dis assez souvent, devrions-nous pas convoquer le passé pour comprendre le présent afin de bâtir l’avenir, pour ne pas rester prisonnier de l’histoire?
C’est clair et visible de tous, tout ce qui se passe actuellement, c’est par rapport aux enjeux liés à l’échéance électorale de 2024.
Toutes les tentatives de dialogue, minces soient-elles, ont échoué tel un chateau de cartes. Certains vont même jusqu’à dire que c’est le dialogue politique qui a échoué.
Et aujourd’hui, toute cette frustration accumulée, capturée de part et d’autre justifierait peut-être, le leadership d’ousmane Sonko face à un régime qui, à l’aveuglette, se laisse piéger.
Nous avons une assemblée Nationale et une justice qui ont changé de visage. C’est pourquoi, l’initiative au débat politique est à remettre aux citoyens. La démocratie sénégalaise est très limitée car le pouvoir est concentré au niveau de l’exécutif qui se trouve entre les mains d’une seule personne capable de faire et de défaire dans ce pays. Ce qui justifie, d’ailleurs, les responsables politiques qui défient les institutions et les lois dans ce pays.

Les violences notées dernièrement qui ont abouti à des pertes en vies humaines et matériels n’honorent pas le pays de la « téranga ».
Et personne ne dit rien et ne fait rien pour tous ces morts dénombrés lors des différentes manifestations tenues ces dernières années.
Mais une injustice ne se répare pas par une injustice.
En permanence, la plupart des sénégalais, vivent dans l’indignation, la crainte et la peur.
Et cette violence rempante qui ne dit pas son nom, nécessite une réflexion profonde afin de trouver des solutions pérennes.

Que dire de la question de l’éligibilité de Macky Sall qui n’est toujours pas vidée? Malgré sa déclaration faite aux confrères du journal français l’Express au cours de laquelle il n’exclut pas de se présenter à une 3ème candidature, ajoutant qu’il n’y a pas d’obstacle constitutionnel à un 3e mandat en 2024. Et pourtant cela pose véritablement problème au sein de la classe politique et pas seulement.
L’opposition sénégalaise affirme que la Constitution interdit à Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, de briguer à nouveau en 2024.
Nous vivons la bipolarisation de l’espace politique. L’adversité a cédé sa place à la haine d’où le climat délétère que nous vivons au quotidien sur la scène politique. Trois morts en 72 heures, plusieurs blessés et des centaines d’arrestations. Il y’a de moins en moins de l’espoir chez les jeunes et c’est justement ce désespoir qui s’est finalement transformé en haine. D’où les différentes attaques violentes que subissent les symboles que constituent les chefs religieux et les institutions de la République.

À l’international, certains ont une image d’Epinal du Sénégal. C’est la raison pour laquelle, nous devrions plus nous préoccuper des victimes du présent que des victimes du passé.
Le pays de Cheikh Anta Diop n’est pas cela, la réalité est tout autre.
Même si beaucoup de choses ne vont pas au Sénégal: détournement de deniers publics, corruption, mal gouvernance, tentative d’éternisation au pouvoir, mépris des peuples, poltronisme, népotisme et tous les complexes du colonisé qui vont avec. Le tableau est sombre mais l’évoquer est une façon d’être optimiste.
Car n’évoquer que ce qui marche, serait synonyme d’accepter l’arbuste qui cache l’immense forêt, poumon d’une humanité bafouée et humiliée par les puissants.
Un autre Sénégal est possible.

Ne faudrait-t-on pas exhorter les jeunes à ne pas juger les symboles et surtout pas sur les réseaux sociaux puissants, nouveaux cafés du commerce, maquis où l’on refait le monde?
Chaque génération a sa partition à jouer et les nouvelles générations ne devraient plus insulter les anciennes générations. Ce serait une perte de temps et d’énergie, une posture inutile.
Comme si le pays de la téranga était encore coincé entre le passé et le présent qui en découle. Nos dirigeants sont incapables d’ouvrir des voies de perspectives pour les jeunes.
Afin de comprendre un peu ce qui se passe, avec notamment les différentes transitions que le pays a connues, nous voyons aisément qu’avant, sous Abdou Diouf et plus loin, le discours était de qualité et d’une hauteur certaine avec de brillants intellectuels républicains, conscients de l’appareil politique, reconnus de tous d’avoir contribué à la consolidation de la nation. Ces hommes et ces femmes étaient conscients de la sacralité à servir la République. D’aujourd’hui et d’hier, les discours confrontés, on se perdrait en conjonctures, tellement les choses ont basculé dans le désordre. Aujourd’hui, la plupart des porteurs des discours, non seulement traînent des casseroles, mais présentent surtout pour bon nombre d’entre eux, des carences gavissimes.
Souvent, ce que l’on oublie, c’est la République qui doit servir la nation et cela, les anciens en étaient conscients.

Actuellement, il n’y a plus d’idéologie de parti. On peut combiner avec n’importe qui sans se soucier des conséquences que cela pourrait engendrer.
Il n’y a plus d’écoles de parti pour former les militants à une conscience citoyenne orientée vers des vertus cardinales qui feraient d’eux des citoyens models en restant intégres et responsables en toutes circonstances.
Et le recul démocratique se sent profondément partout.
Le débat sur l’éveil des consciences doit être posé et la réflexion engagée. C’est trés triste de le dire, mais la compétition violente à laquelle s’adonnent nos politiques de jour comme de nuit, c’est comment se préparer à recevoir des coups et en donner. C’est cela le quotidien des partis politiques.
Alors que le monde bouge, il y’a des questions beaucoup plus importantes qui se posent à nous notamment les questions de souveraineté et de sécurité, sans oublier celles de stabilité.

La classe politique doit mettre de côté l’égoïsme, l’irresponsabilité et la cupidité qui l’habitent et la hantent et à tout prix chercher comment retrouver la cohésion sociale et sauver le pays en le sortant du gouffre dans lequel il se trouve.
C’est pourquoi, le moment est venu de faire valoir la force de l’argument et surtout de banir l’argument de la force.

Aly Saleh