LETTRE OUVERTE À SON EXCELLENCE MONSIEUR, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET À MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE

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L’État va-t-il continuer à rester impassible face à la situation catastrophique de la presse sénégalaise ?

Excellence Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,

C’est avec une profonde inquiétude que je m’adresse à vous concernant la situation alarmante que traverse la presse sénégalaise. Elle nous interpelle tous en tant que leader et/ou simple citoyen. Une action salutaire et urgente s’impose, sinon l’histoire retiendra qu’une mise à mort du secteur des médias est savamment planifiée et orchestrée. J’en appelle à votre empathie et à votre responsabilité devant l’histoire.

Depuis plus d’un an, notre secteur subit une asphyxie progressive résultant de “mesures iniques et inappropriées”, mettant en péril la survie économique des entreprises de presse, la dignité, l’indépendance et le professionnalisme de ses travailleurs, ainsi que la liberté d’information, pilier fondamental de notre démocratie.

Cette tradition d’une presse indépendante, crédible et professionnelle est l’oxygène de notre démocratie. Elle garantit la transparence des institutions, favorise le débat public éclairé et constitue un contre-pouvoir essentiel. Des valeurs qui ont contribué à votre accession au pouvoir et que le parti Pastef prône depuis sa création. Notre pays, reconnu pour sa tradition démocratique exemplaire en Afrique, ne peut se permettre de voir s’affaisser ce rempart contre l’arbitraire et la désinformation.

Lors du Conseil des ministres du 7 mai 2025, vous-même, Son Excellence, Monsieur le Président de la République, avez donné des instructions claires pour qu’une attention particulière soit portée à la situation de la presse. Cependant, depuis lors, aucune action concrète n’a été entreprise pour donner suite à cette directive. Plus préoccupant encore, nous constatons une absence totale de volonté de notre Tutelle d’ouvrir un dialogue constructif.

Suite à votre invitation, le Patronat de presse a adressé une demande d’audience au ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. Mais, dans une lettre-réponse datée du 27 mai, empreinte de vitriol et de condescendance, Monsieur Alioune Sall n’a même pas daigné proposer une date de rencontre.

Au-delà des considérations institutionnelles, c’est la situation sociale des travailleurs qui nous alarme le plus. À la veille de la fête de Tabaski, les hommes et femmes des médias se trouvent dans un désarroi total. Beaucoup croulent sous le poids d’arriérés de salaires s’étalant sur plusieurs mois. Cette situation gravissime va être accentuée par l’impossibilité pour ces professionnels de couvrir les dépenses liées à cette importante fête religieuse.

Excellence, en tant que garants des institutions, vous n’êtes pas sans savoir que la presse professionnelle incarne une part essentielle de la souveraineté nationale. L’histoire récente de certaines contrées africaines nous enseigne que la vulnérabilité du secteur médiatique peut être exploitée par des forces obscures contribuant à déstabiliser des pays entiers. Sans une presse forte, indépendante et crédible, c’est la voix même de notre Nation qui s’éteint.

Face à cette situation qui ne peut plus perdurer, je vous appelle solennellement à :

– Intervenir personnellement pour un dialogue constructif entre le Gouvernement et les acteurs de la presse.
– Mettre en place des mesures d’urgence pour soulager la détresse financière des entreprises de presse et de leurs employés.
– Veiller à l’application effective des conclusions des Assises Nationales de la Presse.
– Garantir que les textes régissant le secteur soient respectés par tous et mis à jour.
– Soutenir les initiatives visant à renforcer le professionnalisme et la crédibilité des médias sénégalais.

Le Sénégal a toujours pu compter sur des médiateurs qui ont aidé à résoudre discrètement des crises. Mais, hélas, cette fois-ci, la presse semble abandonnée à son sort. Il est vital que vous, père de la Nation et chef du Gouvernement, soyez très sensibles à la grave situation de vulnérabilité croissante du secteur des médias.

Certes, il n’y a aucune guerre, aucune velléité de confrontation de la part de la presse. Permettez-moi de vous rappeler cette sagesse universelle : toutes les guerres finissent autour d’une table. Aujourd’hui plus qu’hier, le délitement continu du tissu socio-économique des employés des médias requiert une réaction rapide.

Excellence, préserver une presse crédible et professionnelle n’est pas seulement une question économique, c’est un impératif social et démocratique pour l’avenir du Sénégal. Nous vous exhortons à prendre les mesures qui s’imposent pour sauver la presse sénégalaise.

Dans l’attente d’une réaction à la hauteur des enjeux, veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, Excellence Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

Ibrahima Lissa FAYE
Président de l’Association des Éditeurs et Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL)