Excellences, Messieurs les Présidents,
Je viens très respectueusement, en tant que citoyen sénégalais et ressortissant de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), porter à votre attention la situation délétère qui prévaut au niveau des postes frontières du Sénégal et du Mali.
Les faits que je vous relate dans la présente sont d’uneextrême gravité, parce qu’il ne s’agit pas d’incidents isolés. Bien au contraire, les comportements que je compte vous décrire ci-dessous sont devenus une habitude installée depuis trop longtemps.
A force de silence coupable, si la situation perdure encore, les relations de bon voisinage que nos populations entretiennent, de part et d’autre de la frontière, peuvent se détériorer. Pire, l’objectif d’intégration des pays membres de la CEDEAO est fortement compromis. En effet, la Carte d’identité CEDEAO, l’un des piliers de l’intégration sous-régionale voulue tant par les Etats que les populations des Etats membres, est censé, selon notre entendement, permettre la libre circulation des personnes, à l’intérieur de la zone.
Et pourtant, Messieurs les Présidents, les polices des frontièresde nos deux pays, au niveau de Kidira, du côté du Sénégal et au niveau de Diboly, du côté du Mali, n’agissent pas dans cet esprit. En effet, s’il est louable que des polices soient installées aux frontières, afin de garantir la sécurité des bien etdes personnes et assurer la sauvegarde de nos frontières, il n’est pas compréhensible que ces contrôles aient fini par devenir le prétexte qui permet aux garants de notre sécurité de procéder à un racket, pur et simple, des populations.
Messieurs les Présidents, comment définir autrement les sommes d’argent extorquées par les forces de police des deux Etats, à l’occasion du passage des frontières ?
Je vais illustrer cette scandaleuse situation par mon vécupersonnel, mais largement partagé par mes compatriotes et mes voisins de l’autre rive de la Faléme :
Par ailleurs, contrairement à moi qui ai chaque foisrefusé catégoriquement d’obtempérer, ils ont fait payermon compatriote à trois reprises et à chaque fois, 5000 Fcfa. Une première fois à la sortie de Kayes, unedeuxième fois à l’entrée de Diboly et une troisième fois à la sortie de Diboly pour aller à Kidira. Aucun de ces paiements n’a fait l’objet d’attestation d’acquittement ni de justification. Mon compatriote s’appelle Amadou Ly, ilréside à Ndouloumadji Dembe, commune de NabadjiCivol et est titulaire de la carte d’identité nationale No 1 L03 2017 00927.
Je dois rappeler que les situations décrites ci-dessus ne sont pas des cas particuliers. Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’un simple incident isolé. Bien au contraire, ces comportements déplorables, constituent un racket scandaleux dont sont victimes les populations au quotidien, notamment frontalières. Organisées quasiment en bande mafieuse, les polices des frontières des deux Etats, se comportent de manière inique avec les populations qui subissent ces injustices. Et pire, leurs bourreaux sont ceux-là même qui auraient dû les en préserver.
Il ressort du vécu de mes compatriotes et voisins de l’autre rive, qu’il existerait une sorte de MAFIA de la police des frontières qui raquette impunément nos deux populations de chaque côté de la frontière.
Il m’a par exemple été rapporté par des personnes qui en ont été victimes ou témoins, que pendant les épisodes de fermeture de la frontière à l’occasion de la pandémie de laCOVID et durant la période des sanctions de la CEDEAO, pour se rendre à Kayes ou venir à Kidira, il ne fallait pas moins de 40 000 Fcfa pour franchir la frontière. En effet, chaque voyageur devait payer 10 000 Fcfa pour sortir de Kidira et 10 000 Fcfa pour sortir de Diboly. Il devait encoredébourser 10 000 Fcfa pour entrer à Diboly et 10 000 Fcfa pour entrer à Kidira. Soit 40 000 Fcfa au total au niveau de ces deux postes frontières.
Cette situation est d’autant plus scandaleuse que le coût du transport en commun entre Kidira et Kayes n’est que de 3 000 Fcfa.
Excellences, Messieurs Les Présidents GOITA et SALL, j’aitenu humblement à attirer votre attention sur ces comportements, qui semblent anodins alors qu’ils sont lourds de danger. En effet, en mettant l’accent sur la recherche effrénée d’argent, ces agents stationnés aux postes frontières en viendraient presque à oublier leur mission première , à savoir veiller à la sécurité de nos pays et des populations. Pour preuve, la saisie le 31 octobre 2022 de 300kg de cocaïne par la douane sénégalaise à Kidira, pour une valeur estimée à 2,4millards de francs CFA, sur un véhicule en provenance duMali et qui est pourtant passé par la police des frontières de Diboly.
Cet événement montre suffisamment le danger qui pèse sur notre sécurité, si les agents en charge sont davantage intéressés par le racket systématique des citoyens. Dans ces conditions, nul ne peut exclure que des personnes malintentionnés puissent corrompre nos polices des frontières avec toutes les conséquences désastreuses que cela pourrait entraîner pour la sécurité de nos deux pays. À cela s’ajoute le fait que, par ces pratiques, nos forces de sécurité s’aliènent la collaboration des populations qui sont leurs premiers partenaires et les plus efficaces en matière de renseignementsdans le cadre de la lutte contre l’insécurité et le terrorismenotamment.
Je tiens tout de même à saluer la prompte et énergique décision de Monsieur le Président Assimi GOITA qui avait dépêché au mois d’octobre 2022 le Gouverneur de Kayes à Diboly pour faire cesser immédiatement les paiements réclamés aux voyageurs par la police des frontières de Diboly. Les populations s’étaient opposées à la police des frontières du Mali qui exigeait le paiement par un passager d’un bus malien la somme de 15000 Fcfa. Malheureusement, bien que ces pratiques déplorables aient cessé pendant un certain temps, elles ont repris avec plus d’ingéniosité et d’intensité.
Avant de terminer, Vous me permettrez, Messieurs les Présidents, de faire quelques suggestions qui pourront, peut-être, apporter un début de solution à cette situation qui gangrène la police des frontières de nos deux pays :
Les populations comptent beaucoup sur votre haute bienveillance pour faire cesser ces pratiques indignes et déshonorantes pour l’institution que constitue la police desfrontières. Celle-ci doit être plus soucieuse de la sécurité de nos pays et de nos populations, veiller davantage à cultiverune bonne collaboration avec les populations pour en faire des partenaires dans la lutte contre l’insécurité.
Ne doutant pas que vous prendrez les décisions idoines pour mettre fin aux pratiques décriées plus haut, je vous prie,Excellences Messieurs les Présidents des Républiques du Mali et du Sénégal, de bien vouloir recevoir mes respectueuses et républicaines salutations et de croire à ma très haute considération.
Kidira, le 13 novembre 2022
Opa GUIRO
Fonctionnaire international
à la retraite
Quartier Plateau Kidira
Tel :+22177 777 83 76
E-mail : opaguiro@hotmail.com