S’appuyant sur l’intangibilité des droits acquis, l’avocate Aïssata Tall Sall estime qu’il est impossible d’abroger la loi d’amnistie du 6 mars 2023. Lors d’une conférence de presse des élus de la coalition Takku Wallu, elle a déclaré : « Ils n’ont qu’à essayer d’abroger la loi d’amnistie. C’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire et c’est une spécialiste qui vous parle, sous le contrôle de mes confrères. En droit pénal, il y a ce qu’on appelle l’intangibilité des droits acquis et la non-rétroactivité des lois. Certaines personnes bénéficient de la loi d’amnistie, particulièrement l’actuel président de la République et son Premier ministre, qui sont sortis de prison grâce à cette loi. »
Aïssata Tall Sall a souligné que la non-rétroactivité empêcherait une nouvelle loi d’annuler les effets de l’amnistie accordée précédemment. Ces arguments ont cependant été battus en brèche par son collègue, Me Bamba Cissé.
L’avocat d’Ousmane Sonko conteste les propos de Tall Sall, affirmant que l’intangibilité des droits acquis n’est pas un principe de droit pénal, mais plutôt un principe général de droit administratif, applicable aux actes administratifs unilatéraux créateurs de droits. « Elle ne joue pas en matière pénale », a-t-il précisé.
Concernant le principe de la non-rétroactivité des lois, Me Bamba Cissé souligne qu’il n’a pas une portée générale en droit pénal. « D’abord, la loi pénale plus douce rétroagit. Ensuite, ce qui est interdit, c’est la création de nouvelles infractions couvrant des faits antérieurs à son entrée en vigueur ou la création de peines plus sévères pour des infractions commises sous l’égide d’une loi pénale plus douce. Or ici, les mêmes infractions assorties des mêmes peines existent à la fois sous l’égide de la loi ancienne et de la loi nouvelle », a-t-il expliqué.
Me Bamba Cissé a également précisé qu’en parlant d’abrogation de la loi d’amnistie, il ne s’agit pas de rétroagir ou de créer d’autres infractions, mais plutôt d’abroger des dispositions qu’il juge vicieuses et injustes, susceptibles d’étendre l’amnistie à des crimes et délits sans rapport avec une quelconque activité politique ou de soustraire certaines personnes à l’action de la justice.
Ce débat met en lumière les divergences d’opinions au sein du paysage juridique et politique sénégalais concernant l’avenir de la loi d’amnistie et ses implications sur l’État de droit.