LA TDS-SA RÉDUIT LA BANDE PASSANTE DE PLUSIEURS CHAÎNES DE TÉLÉVISION PRIVÉES : UNE MESURE TECHNIQUE OU UN ACTE DE CENSURE ?

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La Télédiffusion du Sénégal (TDS-SA) a récemment réduit la bande passante de plusieurs chaînes de télévision privées diffusées via la Télévision Numérique Terrestre (TNT), entraînant une interruption de leur signal dans certaines régions du pays. Parmi les chaînes affectées figurent RDV, WALF TV, ITV, TOUBA TV, AFRICA 7 ainsi que d’autres diffuseurs. Cette décision, perçue par certains comme une forme de censure déguisée, suscite des tensions et relance le débat sur la liberté de la presse au Sénégal.

Une mesure technique ou un bras de fer politique ?

Dans un communiqué officiel, Aminata Sarr, directrice de la TDS-SA, a réfuté toute intention de « coupure » de signal. Elle explique que cette réduction de bande passante est une mesure technique imposée par son partenaire technique en raison d’arriérés de paiement s’élevant à 577 millions F CFA. Selon elle, l’opérateur public est contraint de maintenir uniquement la diffusion des chaînes dont les paiements sont à jour. « Les chaînes doivent s’acquitter de frais de diffusion en contrepartie de leur présence sur le bouquet TNT », a-t-elle déclaré.

Mme Sarr a également souligné la « bonne volonté » de l’État, qui aurait pris en charge ces coûts pendant des années. Pour la TDS-SA, il s’agit avant tout d’une question de survie financière et non d’un acte politique. Cependant, cette version des faits est fermement contestée par Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS). Selon lui, la TDS-SA a agi en violation de la loi, outrepassant ses prérogatives. « Seul le CDEPS est habilité à ordonner une telle mesure, après avoir suivi une procédure légale et notifié les chaînes concernées », a-t-il affirmé.

Un paysage médiatique sous tension

Mamadou Ibra Kane voit dans cette décision une « vision hostile » du nouveau gouvernement envers les médias, qu’il qualifie d’« adversaires politiques ». Il rappelle les efforts consentis par l’État sous l’ancien régime, notamment des effacements fiscaux, des suspensions de redevances et des coûts de diffusion symboliques (500 000 F CFA). « Aujourd’hui, on liquide la presse privée », déplore-t-il.

Face à cette situation, les patrons de presse privée ne comptent pas rester inactifs. Le CDEPS a annoncé son intention de porter l’affaire devant les tribunaux pour contester la légalité de la décision de la TDS-SA. « Nous sommes excédés par douze mois d’hostilités », a résumé Mamadou Ibra Kane. Plusieurs mobilisations publiques sont également envisagées, notamment des marches de protestation et une nouvelle journée sans presse, pour défendre leurs droits et dénoncer ce qu’ils considèrent comme une atteinte à la liberté d’expression.

Un débat qui dépasse les frontières du Sénégal

Cette situation soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre la viabilité financière des opérateurs publics et la liberté de la presse. Alors que la TDS-SA insiste sur la nécessité de cette mesure pour sa survie financière, les médias privés y voient une tentative de museler leur voix. Le débat dépasse les frontières du Sénégal et interpelle la communauté internationale sur les enjeux de la démocratie et de la liberté d’expression en Afrique.

Dans un contexte où les médias jouent un rôle crucial dans la démocratie, cette crise pourrait marquer un tournant dans les relations entre le gouvernement et la presse privée au Sénégal. Les prochains jours seront décisifs pour déterminer si cette mesure restera une simple question technique ou si elle deviendra un symbole de la lutte pour la liberté de la presse.