Kolda : « Saré Sukabe », tout n’est pas péjoratif !

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La très célèbre dénomination « saré sukabé », sobriquet attribué à la région de Kolda, est souvent mal appréhendée par certains. Selon ces derniers, Kolda est un lieu où les jeunes filles ne sont rien d’autres que du menu fretin dont on se sert à sa guise. Ainsi pour lever toute incompréhension notée autour des termes, nous avons jugé nécessaire de clarifier que Kolda n’est pas appelé « saré sukabé » pour la simple raison que « sukabé » revoie uniquement aux filles. Par ailleurs la région de Kolda est aussi appelée la capitale du fouladou.
Comme pour la plupart des villes, des régions, des pays ou même la nature qui ont, par périphrase, une appellation autre que leurs noms officiels : la région de Thiès par exemple est dénommée en wolof « Béneu deukk niari gaare » qui littéralement signifie « une localité deux gare routières », le Burkina, Pays des hommes intègres, La terre des pharaons, l’Egypte, La cité phocéenne, Marseille, La cité des Doges, Venise, Le toit du monde, l’Himalaya, etc. ; Kolda n’échappe pas à la règle. Mais sa dénomination « Saré sukabé » pose un problème au niveau de son appréhension et de sa compréhension suite à la restriction du terme « sukabé » arrimé à l’idée que la région abrite de très belles jeunes filles faciles à posséder. Cette restriction doit être l’œuvre d’hommes lubriques à l’esprit étroit qui imaginent que Kolda est un grenier à filles où l’on peut assouvir des penchants libidinaux sans coup férir.
Ces béotiens ignorent que « saré sukabé » est une expression peulhe qui veut dire « village de jeunes ». Associée au nom Kolda, elle signifie que Kolda est une région à forte majorité de jeune. Et, une région se renouvelle de par sa jeunesse. La vaillante jeunesse Koldoise est aujourd’hui très engagée dans la lutte pour le développement durable de Kolda et l’épanouissement de sa population ; eu égard aux nobles actions effectuées par elle, à travers ses mouvements et collectifs, dans tous les secteurs de la vie : santé, éducation, sport, agriculture, élevage… Ainsi le collectif des jeunes SOS Scanner en est une parfaite illustration. Au moment où l’hôpital régional de Kolda souffrait d’un manque de scanner, des « sukabé » se sont lancés dans une campagne de revendication afin que l’hôpital soit doté d’un scanner. Les jeunes les plus en vue dans cette lutte sont : Moudjibou R. Baldé, Abdou W. Baldé, Mamadou B. Mballo, Mamadou Kandé, Guélewar, Djibril Diédhiou et parmi tant d’autres.
Cependant, il est indispensable de rappeler que Kolda est une région très représentée dans les différentes universités du Sénégal. De l’UCAD à l’UVS, ses jeunes sont partout à la quête de la connaissance. Cette forte présence dans ces temples du savoir montre à quel point ils sont studieux et fortement attachés aux valeurs intellectuelles. Ils ont en effet fait sien de la célèbre formule du preux Cheikh Anta Diop : « Armez-vous de science jusqu’aux dents ». Aujourd’hui, grâce à cet armement scientifique, intellectuel, « saré sukabé » enregistre, sur le plan littéraire, de jeunes auteurs qui peuvent devenir de grands écrivains de la trempe d’Albert Camus ou d’Ibrahima Sall : il s’agit du jeune professeur de français Samba Diamanka, auteur de deux fabuleux romans : Un ange dans la gueule du crocodile et Au fond d’une prison, Ibrahima Baldé, auteur de La gibecière de l’oralité, Abdoulaye Fall avec ses deux magnifiques ouvrages : Parcours d’un enfant valeureux et Sous le regard de Dieu. Nous ne pouvons fermer cette liste loin d’être exhaustive sans y inscrire le jeune inspecteur de la jeunesse Abdoulaye Seydi, auteur de L’assaut final, etc. Ces enfants du fouladou s’occupaient plus de leur chapeau que de leur ventre lorsqu’ils étaient étudiants. La littérature étant un miroir qui reflète la société d’un pays, les lettres sénégalaises en particulier et africaine en général peuvent compter sur ces jeunes à l’avenir prometteur qui viennent de les honorer avec des œuvres littéraires digne de ce nom.
Kolda est aussi terre d’artistes d’une grande renommée nationale et internationale. Nous nommons le groupe Guélongal, réalisateur de la première série sénégalaise : Un café avec, de grandes figures culturelles comme feu Diengui Bambado, feue Mayo Diao, Sana Seydi… Les diambadong, les journées culturelles le jingù fouladou par exemple sont l’occasion de voir de talentueux artistes et acteurs de la riche culture koldoise. Les « sukabé » koldois (es) ont le courage du Joola et la fierté du mankagne pour paraphraser Guélongal.
Parler de la jeunesse d’une région c’est aussi une façon de valoriser des sommités religieuses, de figures historiques ou politiques qui constituent une référence pour les jeunes. En effet, Kolda est une contrée où la religion est au centre des préoccupations des populations. C’est en même temps une terre qui renferme en son sein des villages saints à la tête desquelles trônent de saints hommes vertueux, mystiques et spirituels. Nous citons le saint village de Sobbouldé où repose le grand Thierno Mouhamadou Diallo propagateur du Wird Tijaniyya dans cet espace du Sud du Sénégal. Il est l’un des maillons de la chaine de transmission que beaucoup de sénégalais ne connaissent pas.
Tout le monde connait le Daaka qu’abrite Madina Gounass de Mama Seydou, père de l’actuel khalif Thierno Amadou Tijane Ba et du célèbre guide du fouladou Thierno Amadou Baldé de Madinatoul Houda. Que dire de Thierno Ali Thiam (Médina El Hadj Ali), du très mystique Thierno Mamadou Diouldé Seydi (Iliyao), de Chérif Cheikhna Aidara (Saré Mamadi), de Thierno Mamadou Wagué, de Thierno Mamadou Lamine Djibayrou… La jeunesse koldoise a de qui tenir. Le koldois est très pieux. Sa piété lui vient de sa pratique des actes d’adoration et de la connaissance de sa religion (chrétienne comme musulmane) plus approfondies par des hommes très attraits à l’enseignement des préceptes du noble coran et de la sainte bible, de la charia et de la sunna du vénéré prophète de l’islam Muhammad PSL pour la purification du cœur et l’éducation de l’âme.
Aujourd’hui, la célèbre histoire du fils d’Alpha Molo Baldé, Moussa Molo n’est plus à présenter. Ce jeune digne fils du fouladou est le héros libérateur des peulhs qui étaient sous domination mandingue. Des hommes qui ont marqué l’histoire, la culture et la politique, la région de Kolda n’en manque pas. Elle a toujours eu des hommes qui ont occupé des postes de responsabilités dans le gouvernement du pays de Dia et de Senghor. En guise d’illustration nous citons M. Bécaye Diop qui fut ministre des forces armées sous le président Wade. Dans le gouvernement de l’actuel chef de l’Etat sénégalais S. E M. Macky Sall, des fils du fouladou en l’occurrence M. Moussa Baldé, ancien ministre de l’agriculture et de l’équipement rural et actuel ministre de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation, y prennent part.
Kolda, « Saré sukabé » comme lieu où l’on peut trouver de belles filles, parfois même dans une large mesure lieu de débauche selon l’entendement de certains est loin de cette signification ou de ce sens dont on veut bien lui conférer. Par sécheresse morale ou intellectuelle, des hommes ont effroyablement corrompue le sobriquet de la région de Kolda pour des besoins que nous connaissons très bien. Ainsi, au-delà d’être considéré comme « saré sukabé », Kolda est aussi « saré kélifabé » dont les jeunes emboitent les pas.