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C’est le portrait d’un baobab de la musique sénégalaise. Un homme dont le talent et la trajectoire intimident de loin les virtuoses de la musique sénégalaise.
A l’heure où vous lisez ces lignes, je suis devant le téléviseur, fier à l’idée de suivre en directe de la RTS une émission, avec au centre le père de l’Afro feeling. Baye Pene pour les inconditionnels, Ablaye Ndiaye pour les fans, Goorou Banna pour les romantiques et autres nostalgiques, est et reste une icône de la musique sénégalaise. Vêtu d’un grand boubou bleu qui allie élégance et raffinement, l’auteur de « Soweto » & de « Laax Jaay »
revient sur les temps forts de son parcours. Une occasion qui donne grandement envie de voyager dans le temps, bien que rivé sur un canapé.
Nous sommes en 1975, plus précisément un samedi soir, et les sénégalais suivent avec une attention particulière une prestation musicale digne de ce nom. Sur scène, celui que l’on surnomme à Derkle Oumar Gueye, plutôt connu pour sa rapidité sur le terrain de foot ainsi que ses tirs croisés qui font trembler les meilleurs gardiens de buts, chante avec un timbre de voix remarquable. Au moment où la maman s’étonna, surprise de voir son fils verser dans un métier marginalisé à l’époque, la grand-mère de Baye Pene lui rétorque : « Laissons le vivre sa passion. Que personne ne s’y oppose. » Une passion qui le mènera, plus tard, partout en Afrique et à travers le monde.
Bailo Diagne ne s’est point trompé en tombant sous le charme de la voix de celui qu’il trouva entrain de chantonner dans la rue. Oumar sait chanter, mais il sait aussi se taire. Ses silences tout aussi bruissants qu’assourdissants ne se positionnent point par hasard. Ils laissent place à des notes de musique qui reprennent ses paroles, des instrumentistes qui communiquent entre eux et un tempo qui frôlent africanité et influences anglo saxons.
La force d’Oumar Pene, c’est d’abord ses talents d’auteur. Au moment où Adama Faye se faisait coiffer, il composa déjà dans sa tête la chanson « Adama Ndiaye » qui devint un tube des années 1990. Ses chansons frappent l’oreille, touchent le cœur et frappent l’imagination. On ne compte plus les témoignages d’anciens délinquants devenus des modèles de réussite après la sortie de la chanson « Agresseur » en 2002.
Un jeune commercant qui a su garder un lien fort avec Goorou Banna raconte : » J’ai réuni une forte somme pour prendre une pirogue pour l’Espagne, frustré à l’idée de pouvoir réussir au bercail. Le soir de la veille de mon départ, j’ai écouté « Emigration » de l’album Lampe qui venait de sortir. J’ai passé la nuit à pleurer. J’ai finalement investi, dès le lendemain, tout l’argent dans une activité commerciale. » On imagine la suite. Par la Grâce de Dieu, il est devenu aujourd’hui un entrepreneur à succès.
Nul besoin de dire que « Soldat » a su rendre fier l’armée, qu’Etudiant » est devenu l’hymne de tout une jeunesse, « Mon Mari » le cri de cœur de celles là même qui vivent la solitude loin d’un mari immigré, « Bitabane » l’alerte contre un phénomène qui prenait de l’ampleur, « Diallo Diery » une incantation dédiée à l’amitié…
Oumar Pene, c’est aussi un compagnonnage avec ceux que l’on surnomme les Seigneurs du Live. De Adama Faye, ce phénomène qui a modernisé la musique sénégalaise et introduit le Marimba, à Aziz Seck, précurseur des percussionnistes de ce pays en termes d’orchestre, en passant par Thio Mbaye, premier instrumentiste à avoir sorti un album au Sénégal-le tonitruant »Rimbax Papakh-, Dembel Diop, guitariste dont la ligne de bass cartonne depuis plus de trois décennies, Lappa Diagne, l’un des rares batteurs des années 1970-avec Prosper Niang du Xalam-, pour ne citer que ceux là.
Oumar Pene, c’est aussi et surtout l’humilité, et une noblesse qui force le respect. C’est d’ailleurs ce qui explique la longévité d’AFSUD (Amicale des Fans Club du Super Diamono). Jamais un Fan Club n’a été aussi bien organisé, structuré et constant dans ses actes depuis bientôt quarante ans. « La simplicité de l’artiste a beaucoup facilité la collaboration avec AFSUD, et un évènement tel que le Bal des Fans, rebaptisé Bal des Connaisseurs cette année, est célébré tous les 24 décembre et ceci depuis 1989 », confié un membre de L’AFSUD.
Baye Pene, c’est enfin la capacité de réinventer sans cesse le groupe, adaptant le style Diamono a chaque époque et ceci pendant 50 ans. Ce qui laisse perplexe les mélomanes.
En effet, le Super Diamono des années 1970 & 1980, avec commes albums phares « Casamance » & « People », verse dans un style jazzy différent du groupe des années 1990, plutôt « Afro Feeling », avec « Fary » & « Nila », la fin des années 1990 avec comme toile de fond du groove avec « Navetanes » & « Derkle’, et enfin les années 2000, teintées d’abord d’un style plus « mbalakh » qui reste toujours dans la ligne de mire de l’Afro Feeling avec, par exemple, les albums « Karaapite » & « Lampe », puis l’Acoustique avec « Ndayane », « Miyamba », « Ndam » & plus tard « Climat ».
‘Je ne me suis jamais considéré comme une star » soutient l’artiste lors d’une interview, avec le rictus qui annonce un sourire. Il rajoute avec un éclat de rire : » Déjà que le vocable Star est un anglicisme qui signifie étoile. Les étoiles sont justement au ciel, et moi sur la terre ferme ». Et Bailo Diagne, à ses côtés, de rajouter en souriant : » Sacré Oumar ! Il ne changera donc jamais. »
Derrière le sourire du défunt Bailo, se cache une fierté, celle de voir aujourd’hui celui qu’il a trouvé, à l’âge de 17 ans, entrain de chantonner dans la rue, devenir une étoile qui brille et inspiré autant de générations.
Né en 1955
50 ans de musique
50 albums à son actif
Auteur de plus de 500 chansons
Voilà Baye Pene, le père de l’Afro Feeling et non moins baobab de la musique sénégalaise !
Maam Cheikh
Coach/Professeur D’Université
Membre de L’AFSUD (Sicap Liberté)
maamcheikh7@gmail.com

