
Face à la montée de la contestation populaire sur le coût et la gestion de l’électricité, Habib Sy, président du conseil d’administration de la Senelec, a reconnu sans détour la réalité des plaintes des consommateurs. « Quand tout le monde dit que le coût de l’électricité est cher, c’est cher. Je le reconnais », a déclaré M. Sy lors d’un entretien accordé à Omar Gningue. Il a également admis l’existence de problèmes liés au système de prépaiement Woyofal : « quand tout le monde dit qu’il y a des problèmes sur le Woyofal, il y a des problèmes sur le Woyofal ».
Un tarif élevé et des explications complexes
Avec un tarif moyen de 127 francs CFA par kilowattheure, l’électricité sénégalaise reste sensiblement plus onéreuse que dans des pays voisins — la Côte d’Ivoire affichant par exemple un tarif moyen de 87 francs CFA. Habib Sy attribue cette différence à des contraintes structurelles : dépendance au fuel lourd importé, charges fiscales, et coûts opérationnels importants. Malgré une subvention publique massive — 214 milliards de francs CFA, soit l’équivalent d’environ 90 000 francs CFA par consommateur et par an —, les ménages continuent de ressentir lourdement la pression des factures.
Woyofal au centre de la défiance
Le système de prépaiement Woyofal, utilisé par 72 % des 2,3 millions de clients de la Senelec, fait l’objet de critiques récurrentes en raison de son opacité et de défauts perçus dans la gestion des compteurs et des recharges. Pour répondre à cette défiance, la Senelec a annoncé la tenue prochaine d’une réunion réunissant la direction de l’entreprise, le ministère du Commerce, les associations de consommateurs, le fournisseur des compteurs Exim et la Commission de régulation de l’électricité. L’objectif affiché est d’améliorer la communication et d’expliquer clairement le fonctionnement du système : « la grande majorité de la population ne comprend pas comment cela fonctionne », a reconnu M. Sy.
Capacités de production et externalisation
La Senelec dispose aujourd’hui d’une capacité installée de 1 950 mégawatts, suffisante pour couvrir la demande nationale actuelle. Toutefois, seulement 23 % de l’électricité est produite directement par la société d’État ; le reste provient de producteurs privés indépendants, y compris des centrales solaires. Si cette ouverture au privé a permis de résoudre d’anciens problèmes de disponibilité, elle pèse néanmoins sur la structure des coûts et, par ricochet, sur les tarifs facturés aux consommateurs.
Perspectives : le gaz national comme levier de baisse des prix
Pour faire baisser les prix, le gouvernement et la Senelec misent sur l’exploitation des ressources gazières sénégalaises. Des conversions de centrales (notamment la centrale de Bel Air) pour passer du fuel au gaz sont en cours, avec un calendrier visant à tirer parti du gaz national dès 2026. Des mécanismes d’accompagnement — subventions ciblées et approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) — sont également à l’étude. Habib Sy a fixé des objectifs ambitieux : ramener le prix moyen de l’électricité à 80 francs CFA d’ici 2034, puis à 60 francs CFA à l’horizon 2050.
Engagements pour la transparence et la gestion des compteurs
En attendant ces transformations structurelles, la Senelec promet des actions concrètes pour améliorer la communication avec les consommateurs et la gestion opérationnelle des compteurs. « Les populations ont raison, l’électricité coûte cher, le Woyofal n’est pas très bien compris », a concédé M. Sy, assurant que des mesures seront prises pour « sortir de cette situation très difficile ».
Les syndicats, associations de consommateurs et acteurs politiques surveillent désormais de près la mise en œuvre des engagements pris. Pour de nombreux ménages sénégalais, l’espoir d’un allègement durable des factures dépendra autant de la transparence et de la gestion locale que de l’exploitation future des ressources gazières.