ÉTAT DE LA JUSTICE SÉNÉGALE : UN DIAGNOSTIC INQUIÉTANT

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Invité de l’émission Point de vue ce dimanche sur la RTS, le président de l’Union des Magistrats Sénégalais (UMS), Cheikh Ba, a livré un diagnostic sans précédent sur l’état réel de la justice sénégalaise. Face aux critiques et attaques visant l’institution judiciaire, il a rappelé que la lenteur reprochée aux tribunaux n’est pas une question de volonté, mais une conséquence directe d’un manque massif de personnel et d’un volume de travail devenu insoutenable.

Une justice à flux tendu

D’entrée, Cheikh Ba a dénoncé la focalisation de l’opinion publique sur les dossiers politiques : « Les gens ne voient dans la justice pénale que quelques dossiers concernant des hommes politiques. Pourquoi le dossier d’un homme politique serait-il plus important que celui d’un Sénégalais lambda confronté aux mêmes réalités ? »

Le président de l’UMS a exposé des chiffres alarmants :

  • 546 magistrats au total (448 hommes, 100 femmes).
  • Seulement 425 magistrats opérationnels dans les tribunaux.
  • 47 magistrats à la Cour suprême et 31 à l’administration centrale.
  • 40 magistrats en détachement et **3 en disponibilité.

Avec une population de plus de 18 millions d’habitants, ce ratio est jugé « insupportable ».

Des greffiers en nombre insuffisant

Sur le plan des greffiers, le constat est tout aussi préoccupant :

  • 552 greffiers seulement pour tout le pays.
  • 27 en détachement, et une dizaine à l’administration.
  • Il faudrait au moins deux greffiers par juge pour un fonctionnement normal.

« Nous en sommes très loin », a regretté Cheikh Ba.

Tribunaux saturés : des exemples frappants

Pour illustrer cette pénibilité et cette surcharge, le magistrat a donné des exemples précis :

  • Kaolack : un seul cabinet d’instruction opérationnel gérant 750 dossiers.
  • Ziguinchor : un juge unique pour 250 dossiers.
  • Dakar :
    • Pôle financier : 6 magistrats.
    • Huit cabinets d’instruction, chacun avec un volume de dossiers colossal.
      • 1er cabinet : 328 dossiers en cours.
      • 2e cabinet : 481 dossiers.
      • 4e cabinet : 602 dossiers (instruction de droit commun + mineurs).
      • 5e cabinet : 641 dossiers.
      • 8e cabinet : 460 dossiers.

La justice submergée

Pour le président de l’UMS, le problème de fond est clair : « Quand nous sommes confrontés à un tel volume de travail, le principe violé est celui de la célérité. On dit que la justice est lente. Non : la justice est submergée. »

Il invite alors les critiques à tenir compte de la réalité des moyens, rappelant qu’une réforme structurelle, un recrutement massif et une meilleure redistribution des effectifs sont indispensables pour permettre au service public de la justice de fonctionner correctement.

Conclusion

Face à ces constats, il est crucial que des mesures soient prises pour améliorer la situation de la justice au Sénégal. La charge de travail réellement insoutenable, combinée à un manque de ressources humaines, soulève des questions fondamentales sur l’accès à la justice pour tous les citoyens du pays.